Bonsoir à tou(te)s,
Comme chaque mois ou presque dorénavant, voici ma petite ‘leçon de Blackjack de tournoi’. Cette fois-ci, je vais commenter quelques-uns des conseils les plus fréquemment donnés sur internet quant à la façon de jouer (soi-disant) au mieux ses tournois de Blackjack. Si l’idée de base de chacun de ces ‘conseils de pros’ semble souvent relever du bon sens à première vue, appliquer les conseils ci-dessous sans expérience ni discernement vous mènera vite à la catastrophe.
1° “agissez toujours en dernier pour avoir le maximum d’informations sur les mises et les styles des autres joueurs, et attendez que le bouton de parole ait passé votre box pour miser gros”
Commentaire : le nombre de fois où l’on est dernier de parole en tournoi est très limité : 2, 3 voire 4 tout au plus. Compter sur ces quelques rares occasions, attendues au tournant par le reste de la table de surcroît, pour effectuer un mouvement tactique d’importance est donc quelque peu risqué. Miser ‘gros’ peut très bien s’effectuer à d’autres moments, mieux choisis, et moins évidents.
2° “quitte à tenter de rattraper le leader, autant le faire en une seule grosse mise”
S’il est vrai qu’il est beaucoup moins productif d’étaler sur plusieurs mains des mises moyennes pour ‘se refaire’, tenter de rattraper, voire dépasser le leader n’est pas toujours nécessaire, surtout si l’on tient à rester discret, s’il reste encore quelques mains à jouer (au moins 5-6) ou si l’on préfère simplement rester à portée de tir pour la bataille finale. Ken Smith conseille par exemple de miser la moitié du déficit (= ce qui vous sépare de votre cible), et de doubler sur une main favorable. Wong parle quant à lui de ‘progressions’ sur trois mains maximum (la fameuse 1/7 -> 1/3 -> Maxbet/All-in). ‘Rattraper le leader’ est donc polysémique, et ne doit/peut pas toujours se faire en une seule et unique grosse mise.
3° “la meilleure façon de rattraper le leader est de miser l’inverse de lui. S’il mise gros, misez petit, et inversement.”
D’accord, mais s’il n’y a PAS qu’un seul leader ? Et s’il est payé gros et moi petit quand la banque saute ? Il convient de nuancer cette stratégie du ‘opposite betting’ : celle-ci est en effet plutôt à considérer comme un ‘dernier recours’ de joueur crevard à la traîne, lorsque tout semble perdu (imminence des deux dernières mains, écart de plus de deux mises maximales etc.). Bill Channels, le ‘Gamemaster’ du Midwest du début des années 2000, n’appliquait cette stratégie que dans des cas très précis, aux nombreuses conditions préalables.
4° “Si vous êtes leader, surveillez les mouvements de votre challenger immédiat pour calibrer vos mises”
Pas suffisant : il se peut très bien que plus d’un joueur décide de m’attaquer, y compris parmi les derniers du tableau. C’est pourquoi Stanford Wong, dans Casino Tournament Strategy au chapitre Blackjack parle plutôt de ‘coverbetting’, et de ‘hold backs’ (retenues de jetons en cas de perte générale de la table etc.), c’est-à-dire de précalculer rapidement qui, de par sa mise, est réellement à même de vous larguer/dépasser s’il venait à être payé, ou si vous deviez perdre. Du reste, toutes les attaques ne sont pas à prendre avec le même sérieux, et toute menace potentielle ne se réalise pas automatiquement. Ken Smith a confié sur son site un jour ne réagir qu’à partir de deux, voire trois attaquants sérieux et simultanés. Même son de cloche du côté de Kenny Einiger (vainqueur Ultimate Blackjack Tour ET World Series Of Blackjack siouplaît) dans son ouvrage ‘Play to win’.
5° “Gardez quelques miettes au cas où tout le monde venait à être battu par la banque”
Attention à ne pas se retrouver avec du ‘dead money’, des jetons devenus inutiles et incapables de réaliser quoi que ce soit comme objectif dans les dernières mains. Garder un jeton de plus que tel ou tel joueur en cas de victoire générale de la banque ne vaut vraiment qu’en cas d’enjeu important : être virtuellement ITM (classé dans les places payées, ou qualifié pour la phase suivante) à l’avant-dernière main, évincer le joueur BR3 (détenteur du troisième meilleur tapis) en dernière main en cas d’égalité etc.
D’une manière générale, mieux vaut calculer TOUTES les issues avant chaque mise : taking the high, taking the low, swing (full / half), lock-out, naturel à la Banque, double down adverse etc. À combien et À quelle position je retombe si je ne suis pas payé(e) ? Si je suis payé(e) ? Si je fais égalité et pas l’autre ? etc. D’où la prépondérance du chipcounting sur le cardcounting en tournoi ! Un TD (Tournament Director, directeur de tournoi) qui se targue d’avoir pris des mesures anti-compteurs pour un tournoi (“pour l’équité, voyez-vous”) ne fait que révéler au grand jour son incompétence !
6° “Connais ton adversaire”
Avantage négligeable : mieux vaut surtout avoir identifié le(s) vrai(s) vainqueur(s) / leader(s) potentiel(s) dès avant la mi-temps, en somme avoir fait assez vite le tri entre les ‘real contenders’ et les ‘fishs’, les ‘fetish betters’, les surperstitieux, les boomers, les craqueurs, les flambeurs etc. sans parler des matois, des francs-mittoux, des biesses, des rwakêms, des môssis, des crevés djônes, et autres flairants, paillasses, pète-pourçets, et mamés vîs coûs !
à bientôt à ma table !
Kung Fox
Article publié originellement sur le forum du site www.blackjack-square.com le 9 octobre 2014. Remanié pour les besoins de ce blog.